Louis
Ta disparition laisse en moi un double vide.
Le vide d'une complicité, en cours, active depuis 10 ans et qui ne sera jamais au long cours.
Nos utopies, nos ambitions, nos combats, nos projets sont ainsi vidés de sens. Comment faire sans toi alors que nous étions unis comme des frères d'arme pacifiques ? Je ne sais pas si je pourrais les poursuivre, il me faudra avaler ma colère, ma peur devant cette fatalité. J'essaierai, à ta mémoire, mais cela n'aura plus le même goût.
Le vide d'une amitié qui ne sera pas consommée, que je ne t'ai pas vraiment dite, que je n'ai pas rendue chaleureuse.
Nous étions des taciturnes affectifs, trop respectueux de l'intimité de l'autre, trop sérieux. Je ne rattraperai jamais cette perte et je m'en veux.
J'espère que tu te sentais mon ami comme je me sentais le tien. On ne peut imaginer de devoir ainsi faire un tel éloge à un ami perdu. J'ai visé le futur mais j'ai loupé d'être présent avec toi. C'est une leçon atroce.
Tu étais plus sage que moi et tu cultivais aussi ton jardin, tu gardais les pieds sur terre. Tu a été l'homme du temps, le temps qui passe de l'historien et le temps qu'il fera, du ciel et des nuages. Ton temps s'est arrêté sur une route et ton temps est en nous sans fin pour notre vie.
J'ai admiré tant de choses en toi que je veux offrir en hommage :
J'ai admiré ta cohérence faite de tes formations intellectuelles, politiques, philosophiques et faite aussi de convictions raisonnées, toujours en recherche. Elles t'ont fait enseignant à vie et militant social sincère, indécourageable malgré les limites étroites de l'institution ou de l'organisation.
J'ai admiré le grand, le pur citoyen, modeste et déterminé, généreux et dévoué à des causes quotidiennes, dans la gestion des centres sociaux, de leurs fédérations, sans appétit personnel, capable de dépasser des humiliations, des dénis démocratiques, des médiocrités humaines en restant au service, ceci est au dessus de mes capacités et nous resterons témoins de cet héroïsme rare, inestimable. Si nous n'avons pas eu ensemble à nous parer de gloire, nous avons grâce à toi, donné à des gens ouverts, de qualité, à des jeunes et moins jeunes, le sens et la preuve d'une morale civique et associative qui est la seule chance d'une société de justice et de partage. C'était la valeur de notre réussite.
J'ai admiré ta vérité intérieure, ton intégrité et j'ai reçu la marque de ta loyauté supérieure. Il est rare de pouvoir compter sur quelqu'un sans rien lui demander. C'est ce qui t'a coûté une présidence. C'était une évidence pour toi. T'en ai-je remercié assez ? Non.
J'ai admiré ta profondeur et ta simplicité qui ne m'ont jamais abaissé quand je me sentais superficiel, activiste, bateleur car nous allions en complémentarité, en confiance, en sachant que nous allions dans le même sens, et j'associe à ce propos toute l'équipe que nous avons formée, avec Henry, Nacéra, Martine, Mauricette, Dalila, ou nos amis italiens, et les autres équipes que tu as motivées à Confolens, en Charente, en Poitou, et ici dans la Var et celles que je ne connais pas.
Je ne t'ai jamais vu rancunier, ni grossier, ni perdant, tu étais au travail comme un jardiner humain, un cultivateur de relations, un semeur qui recommence en toutes saisons.
Voilà les fruits que tu nous laisses, que tu me laisses, une œuvre à poursuivre, infinie parce que relative, impermanente, nécessaire, pour être utile aux autres.
Ta disparition nous cause une perte immense, et nous pensons d'abord à ce qu'elle est pour ta femme Monique, tes enfants et petits-enfants.
Je partage leur peine et celle de tes amis proches mais aucune parole ne suffit pour cela.
Le 18 juillet 2011, pour notre dernier rendez-vous à Néoules, sous la pinède
Gérard